Rien à cacher
Dans cet atelier de deuxième année, nous travaillons l’écriture de nouvelles, et lors d’une séance, nous nous sommes concentrés sur l’observation de comportements humains, leur dénonciation, l’invention d’une histoire courte permettant de mettre en scène ce que l’on cherche à dire. Un bel exemple avec ce texte écrit par Katherine.
Jennifer était aux anges. Le tout Hollywood serait présent et il y avait de fortes chances qu’elle ne reparte pas les mains vides mais avec la statuette tant convoitée. Harvey ne lui avait-il pas promis qu’il allait tirer toutes les ficelles pour qu’elle fasse enfin la Une dans le monde du spectacle ? Elle se savait une actrice talentueuse mais pour arriver au pinacle, il fallait aussi savoir emprunter des chemins tortueux et surtout faire abstraction du physique repoussant de ce mâle tout puissant. C’est ainsi qu’elle se prêta au jeu avec Harvey, un jeu qui le laissait haletant de désir car elle n’avait pas encore couché avec lui. Ça serait pour après, une fois qu’elle aurait enfin partagé le podium avec les autres grands de son métier.
Harvey, avec lequel elle se trouvait un instant plus tôt dans la limousine aux vitres teintées qui les emmenait de l’hôtel sur Sunset Boulevard au Dolby Théâtre. Même pendant le trajet elle avait consentit à ses avances, rassurée toute fois qu’une vitre épaisse et insonore amortissait ses gloussements et le râle de Harvey. Un plaisir narcissique l’envahissait et elle mettait de côté le fait qu’une main potelée et poilue se frayait un chemin sous sa robe en satin. Elle prenait du plaisir à cambrer son corps et à relever sa jambe. Les lèvres charnues de Harvey s’appuyaient goulument sur son cou. Pourvu qu’il n’y laisse pas de trace de suçon pensait-elle avec effroi.
Heureusement Harvey s’était fait déposer en route car il avait des choses à régler avant la cérémonie d’ouverture. Elle avait donc quelques minutes devant elle pour s’occuper de son apparence. Impossible de défaire les minuscules agrafes dans le dos pour remettre sa poitrine opulente en place. Elle remonta donc son bustier tant bien que mal. Ses cheveux s’étaient emmêlés dans la fermeture de son collier, prêté pour la soirée par la Maison Van Cleef. Elle tira frénétiquement sur sa robe pour la lisser et malgré la climatisation commença à transpirer. Elle attrapa sa pochette et voilà que le voiturier venait lui ouvrir la porte. Avec soin elle déposa une jambe puis une autre par terre, s’assurant qu’on remarquait leur galbe, leur bronzage et surtout ses sandales Christian Louboutin. Elle savourait chaque instant : les flashs des photographes qui la mitraillaient, le bruit de la foule qui se pressait autour du tapis rouge, elle croyait même entendre son nom. Elle sentit une légère fraicheur dans le bas de son dos, comme un petit vent coulant qui effleurait le haut de sa cuisse. Trop embobinée dans sa bulle de célébrité, elle mit du temps à réaliser ce qui lui arrivait…
Elle fit bien la Une de la presse boulevard le lendemain : son string qui avait été attaché par des fins rubans en dentelle sur ses hanches s’était défait, sa robe qu’elle avait oublié de descendre et de défroisser derrière dévoila non seulement ses fesses mais également quelques cicatrices suite à une chirurgie esthétique récente. Harvey avait effectivement bien tiré toutes les ficelles. Katherine