“le sanglier” et “Nue sous la lune”
Ils ont en commun (outre la même maison d’Edition Buchet-Chastel) de nous emmener au plus près de personnages, comme une caméra de Cassavetes qui ne voudrait rien perdre de tous les petits évènements, les mots, les gestes, les omissions qui tissent la trame de chaque jour et peuvent faire d’une journée un drame, un tournant, une épiphanie.
Dans « Le Sanglier », nous suivons un couple un samedi entre leur maison dans un lieu reculé de la campagne jusqu’à la ville à deux heures de voiture. Un samedi quand il faut passer à la banque, au supermarché, chez la grand-mère… Et face aux contrariétés du jour, pourquoi l’autre s’y prend-il d’une manière si différente ? Pourquoi ? Et peut-on en parler, parvient-on à se rejoindre malgré tout ou l’incompréhension a-t-elle le dernier mot ? Grâce à l’écriture « organique » de Myriam Chirousse qui colle aux paysages, aux gestes, leur expédition devient aussi la nôtre et nous tend un miroir dans lequel nous pouvons observer nos propres expéditions contrariées.
« Les yeux ouverts, ils ne regardent rien. Ils écoutent immobile le règne infini du silence, le temps qui ne coule plus. Quand l’obscurité prend cette épaisseur, on oublierait presque qu’il y a des réveils ensoleillés, une lumière de la couleur des arbres qui se glisse entre les interstices, ondule sur le rideau et vole dans la chambre. On l’oublierait comme on oublie le reste, le joie, l’étincelle du premier regard. »
« Le Sanglier » de Myriam Chirousse – Edition Buchet-Chastel
Dans « Nue sous la lune », Violaine Bérot nous mène grâce à une écriture poétique, vitale et sobre au rythme de la respiration de son héroïne, sculptrice prometteuse qui tente de s’enfuir d’un amour dont elle ne veut plus. Un amour qui avait tout d’une belle histoire mais le beau, au contraire du conte, est devenu bête. A-t-elle réellement la force, assez d’amour pour elle-même pour sortir des griffes d’un amour qui n’en est pas un ? Mal déguisé, il se contente de posséder et de détruire à petit feu. Et les griffes coupent une à une les forces vives qui pourraient la sauver. La voilà objet (sculpté/défiguré par un autre ?). Arrivera-t-elle à se redresser pour aller vers elle-même ?
Début du livre :
« Je ne veux pas penser à toi, je ne veux pas. C’est pour cela que je tremble, parce que l’idée de toi, de toi maintenant quitté, cette idée-là m’obsède. Je suis pourtant sauvée, je vais vivre, ne plus me poser la question de mourir, je vais vivre mais reste-t-il encore en moi quelque chose de vivant ? Mourir aurait été plus simple, ne plus avoir peur, mourir aurait été plus facile que de réapprendre à vivre. Je suis une ressuscité et comme c’est douloureux, quelle immense besogne que de reconstruire un être à partir d’un tas de poussière. »
« Nue sous la lune »de Violaine Bérot – Edition Buchet-Chastel