Dans cet atelier, nous avons travaillé l’écriture, à partir d’un tableau choisi.
Ici un Portrait d’Edith Schiele par Egon Schiele. 1915
Dialogue depuis l’au-delà
Egon, mon Egon…
- Edith, mon Edith.
- Tu te souviens, mon Egon, de ce jour où j’ai posé pour toi dans ta robe ?
- Ma robe… ?
- Celle que j’avais confectionnée, tu sais…
- … ah, avec les rideaux de mon studio, oui, je me souviens.
- C’est le tableau que je préfère. Parce que j’y vois que tu avais tout compris de moi, par le regard que tu avais posé sur moi, ta façon d’entrer dans mon âme avec tes pinceaux.
- Dans ce tableau tu me regardes comme si tu avais peur, pourtant.
- Je n’avais pas peur, Egon, je m’abandonnais. Je découvrais enfin qui tu étais, cet homme pétri de tourments, cette obsession, cette recherche affamée de l’amour dans chacun de tes coups de pinceau. Tu avais faim mon Egon, tu étais maigre de tout ce qui t’avait tari depuis l’enfance. Tu voulais mourir et moi, je voulais te nourrir.
- Tu m’as nourri Edith.
- Et tu es devenu plus doux.
- Sans doute. Tu as su apaiser ma terreur.
- Nous n’avions que trois ans pour vivre notre mariage, trois ans avant de…
- …avant de mourir ensemble, oui.
- Cette grippe espagnole, Egon… qui nous a emportés, toi, moi, et notre enfant à naître.
- N’y avait-il rien de plus beau que de mourir ensemble, ma chérie ?
- Bien sûr. Je suis partie en paix, je t’avais tout pardonné.
- Tout ?
- Oui tout. Walli, Gerti, les éclats, les pleurs, tout.
- J’ai toujours été sincère avec chacune d’entre vous, mon Edith. Je vous ai aimées sans détours.
- Tu brûlais à travers nous ta passion, que rien n’a pu briser, ni la prison, ni le mépris des autres. J’aimais ta foi sauvage. J’aimais tes mains qui m’effeuillaient sans cesse.
- Et moi j’aimais me noyer dans l’univers laiteux de ta peau, mon Edith, me saouler de l’odeur sucrée de la mousse de tes cheveux. Toi si claire, moi si sombre. Toi si pure. Moi si corrompu.
- Je ne connaissais rien de l’amour physique, mon chéri.
- Tu voulais que je sois ton maître et je l’ai été.
- Je ne connaissais rien de l’odeur entêtante de l’huile de lin, rien de la rugosité de la toile, rien de ton immense miroir auquel nous offrions toi et moi notre nudité sans aucune pudeur.
- Cet enfant qui n’est pas né aurait eu ta pureté, mon Edith.
- Il aurait eu ta beauté, mon Egon.
- Ne sommes-nous pas réincarnés alors, tous les trois, dans ce tableau, toi la muse, moi le peintre et lui, l’enfant naissant, qui gonfle à peine ce ventre sous les rayures de ta robe, ne sommes-nous pas réincarnés ?
- Si, mon Egon, nous le sommes. Pour l’éternité. Caroline C